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Le Glyphosate et la légitimité de la recherche publique en France

mercredi 6 décembre 2023
par  Laeti

Le Glyphosate et la légitimité de la recherche publique en France

Voici une nouvelle controverse sur le Glyphosate qui devrait interpeller la communauté de la recherche française et qui questionne notamment la place des scientifiques vis-à-vis des décideurs politiques, des industriels et de leurs lobbies.

Le Glyphosate, un herbicide phare de la société Monsanto, a fait l’objet de vives controverses quant à son impact sur l’environnement et surtout sur la santé des populations qui s’y trouvent exposés. En effet, la molécule avait été classée depuis le 20 mars 2015, « probable cancérogène » par le Centre International de la Recherche sur le Cancer (CICR). Puis en 2017, le glyphosate avait fait l’objet d’une autorisation temporaire par l’Europe dans la perspective d’une évaluation plus précise des risques sur la santé.

Dans la même période, E. Macron avait pris parti et promis de sortir la France du glyphosate avant 2021, probablement pour des motivations électorales puisqu’en 2019, deux ans à peine après sa première élection, il s’est rétracté pour céder aux lobbies agroalimentaires au prétexte de ne pas « pénaliser les agriculteurs français ».

Un scandale sanitaire

L’ESFA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) a rendu public le 6 juillet 2023 les conclusions de ses experts indiquant que « l’évaluation de l’impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement n’a pas identifié de domaine de préoccupation critique », malgré les études scientifiques qui démontrent le contraire. Le 13 octobre 2023, les États membres ont été invités à voter dans le cadre du comité permanent (SCOPAFF [1] ) la proposition de la commission Européenne de renouveler pour 10 ans l’utilisation du glyphosate. Les représentants de la France et de l’Allemagne se sont abstenus [2] . Aucune majorité requise pour adopter ou rejeter la proposition n’a été atteinte. Mais c’est un comité d’appel qui devra rendre un avis avant le 14 décembre 2023 en se basant sur le rapport de l’ESFA, censé éclairer les avis des membres du comité. Les gouvernements des États membres comme les institutions européennes sont fortement exposés aux lobbies, et ils se trouvent en situation pour justifier l’accord d’usage de l’herbicide. Pourtant l’EFSA, qui a dû analyser 2400 rapports et publications scientifiques, malgré son avis, reconnaît que ces conclusions ne peuvent être définitives au regard des « grandes différences de méthodologies » des études.

Cela ouvre la voie à un usage massif de la formulation malgré le sérieux de certaines études. En effet, en 2021, des scientifiques de l’INSERM portaient une tout autre conclusion et démontraient justement une sous-évaluation des conséquences du glyphosate. L’Express avait relayé les conclusions de l’étude [3] de ces chercheurs avertissant « Nos travaux indiquent que le lien entre glyphosate et certaines pathologies ou problématiques est plus fort que ce que l’on pensait jusqu’ici » [4] . Ce rapport de l’INSERM est une synthèse des travaux dans le cadre d’une expertise collective garantissant l’indépendance, la pluridisciplinarité et la qualité des travaux rapportés.

Globalement des études tendraient à reconnaître que sa toxicité « CMR [5] » tiendrait plus à la formulation qu’à la molécule, elle-même. C’est bien là-dessus que les lobbies jouent dans leur communication. Pourtant son usage dans l’environnement à l’origine des expositions est bien dans sa formulation. La reconnaissance de cette toxicité est donc bien une question de déontologie.

Quelle place pour les scientifiques dans notre société ?

Cette affaire pose clairement le rôle des scientifiques, de leur indépendance et de nos établissements de recherche publique. Comment les représentants du gouvernement français peuvent-ils s’abstenir sur cette question alors que les scientifiques français et notamment de nos organismes, du CNRS, de l’INSERM, et de l’INRAe, ont largement contribué à éclairer par leurs travaux les risques inhérents à cette formulation associée au glyphosate ?

Étrangement, l’HCERES, dans son rapport d’évaluation du CNRS, interroge la place de notre organisme. La question est mesquine et participe à la négation du rôle et de l’expertise de nos scientifiques et de nos établissements nationaux. Cette affaire illustre parfaitement un des rôles de nos établissements à condition d’accepter de leur reconnaître cette légitimité et de leur confier ces missions. Leurs expertises autant que leur positionnement national dans l’animation scientifique et de coordination leur confèrent une aisance dans l’identification des meilleurs interlocuteurs et d’animer des consortiums d’expertises pour répondre à des questionnements ponctuels dans l’actualité de la société civile. Mieux encore, le comité national dont la composition dépasse très largement la communauté du CNRS et qui connaît parfaitement les meilleurs experts de chaque domaine ou spécialité, serait la meilleure porte d’entrée pour requérir un avis éclairé sur l’état de l’art des connaissances d’un sujet et des expertises qui s’y rapportent.

Au-delà du scandale sanitaire et politique, nous devons nous interroger sur la place des scientifiques dans notre société. Nous faisons souvent le constat d’une résignation de notre communauté face aux réformes. Mais là, nous devons porter notre indignation si nous voulons rétablir la légitimité des chercheurs et leur « utilité sociale ». La recherche publique a la culture de l’expertise, du pluralisme, et des méthodologies lui permettant de mener des évaluations contradictoires et pondérées. Cette légitimité doit s’imposer à la politique des cabinets de conseil, et nous devons œuvrer pour garantir des budgets publics significativement plus importants pour limiter la dépendance aux financeurs contractuels.

Nous, au SNTRS-CGT, savons que les expertises ne manquent pas dans nos établissements, mais cette affaire questionne clairement la déontologie de ceux qui s’expriment à la place de la communauté scientifique.

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Glyphosate_ indep_scientifique

[1SCOPAFF : Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux

[5CMR : « Cancérogène Mutagène et Reprotoxique » ; se dit pour des produits chimiques qui ont, à moyen ou long terme, des effets cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction


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