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EN BREF N°552 : 11 février : journée internationale des femmes et des filles de sciences

mercredi 10 février 2021

11 février : journée internationale des femmes et des filles de sciences

Quels sont les points communs entre Henrietta Leavitt, Ada Lovelace, Rosalind Franklin, Marie Curie, Lise Meitner et Jocelyn Belle ? Vous vous en doutez, ce sont des femmes scientifiques, précurseurs en leur temps, et qui ont dû affronter de nombreux préjugés pour pouvoir être reconnues par la société de l’époque et certaines se sont même vu priver de prix et distinctions, y compris de prix Nobel. L’historienne des sciences Margaret Rossiter a théorisé ce phénomène sous le nom de « l’effet Matilda ».

Où en sommes-nous, aujourd’hui, de la place des femmes dans la recherche ?

Moins de 30 % des chercheurs dans le monde sont des femmes. Selon les données de 2014-2016 de l’UNESCO 1, environ 30 % seulement des étudiantes choisissent des domaines liés aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques dans l’enseignement supérieur, avec des attractivités très différentes d’un domaine à l’autre. Même en SHS (sciences humaines et sociales), considérées comme « plus adaptées aux femmes », ce qui ne fait que reproduire un préjugé de longue date, les femmes sont inégalement représentées selon les domaines. En philosophie, discipline « noble » par excellence, liée à la pensée et à la production d’idées, les hommes sont majoritaires ; en littérature par contre, on trouve plus de femmes. Les stéréotypes ont la vie dure.

Le CNRS est aussi impacté par la faible attractivité pour les femmes de certaines disciplines et métiers. Examinons la répartition des ingénieurs et techniciens selon leur branche professionnelle : sciences de l’ingénieur et instrumentation scientifique 12% de femmes ; informatique, statistiques et calcul scientifique 19,7% ; patrimoine immobilier, logistique restauration et prévention 21 ,6%. À l’inverse, 85% de femmes en gestion et pilotage, 65,8% dans les sciences du vivant, de la terre et de l’environnement. Il y a encore du chemin pour que dès le plus jeune âge on valorise les mêmes qualités chez les filles et chez les garçons, pour éviter les premiers effets des inégalités femmes/hommes en matière de choix d’orientation.

Selon le Bilan social et parité du CNRS2, sur les 31 970 personnels, toutes disciplines, statuts et corps confondus, le pourcentage moyen de femmes est de 43.2 % reparti comme suit :
• 34,3 % de chercheuses dont 38 % de chargées de recherche (CR), 32 % de directrices de recherche 2 (DR2), 27% de DR1 et 15% seulement de directrices de recherche de classe exceptionnelle (DRCE2) ; le nombre de femmes dirigeant des unités CNRS, 24,5%, est en baisse.
• 46% d’ingénieures dont 57% assistantes ingénieures (AI), 49% ingénieures d’étude (IE) et 32% d’ingénieures de recherche (IR)
• 66 % de techniciennes et 60% d’adjointes techniques de la recherche (ATR).

Au niveau des concours, on constate le peu d’attractivité des carrières de chercheuses avec seulement 35,4 % de candidatures en CRCN et 23% en DR2, avec un âge moyen de recrutement plus élevé pour les femmes de 1 à 3 ans. Cet écart est renforcé tout le long de la carrière.

Au niveau du corps des techniciens et des assistants ingénieurs, respectivement plus 65 et 59 % de femmes que d’hommes se portent candidats, tandis que pour les concours des ingénieurs les écarts sont mineurs. C’est au niveau du corps des IR que l’on retrouve le même schéma que les CR avec seulement 29% de candidatures. Au niveau des avancements de corps au choix et des concours internes, le taux de promotion est supérieur chez les femmes avec une moyenne de 64% au choix et de 56% en concours interne. Mais quand on arrive à la sélection professionnelle des ingénieurs de recherche hors classe (IRHC)ou qu’on monte jusqu’à la sélection sur dossier pour la Hors échelle B (HEB) de IRHC, même dans les disciplines des SHS, les candidatures d’hommes sont majoritaires au point que parfois les jurys ont du mal à rétablir la parité, pourtant acquise ou en bonne voie au grade IR2.
À l’Inserm (Bilan social de l’Inserm 2019), la donne est différente dès le départ, car les domaines de la biologie et de la santé restent attractifs pour les femmes (60 %). On a en moyenne autant de candidatures féminines que masculines, tous corps et grades confondus. Mais comme au CNRS, la proportion de femmes diminue au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie : 39 % des femmes accèdent au grade de DR, 32,5% de DRCE et seulement 22 % aux postes de direction d’unité.
Nos organismes ont du chemin à faire, il suffit de regarder le nombre de femmes présentes dans les instances de direction et postes à responsabilité. Au CNRS en 2019, 1 seule femme au niveau du directoire, 2 sur les 10 instituts…

Quelles sont les causes de cette différence entre les ratios hommes /femmes parmi les candidats ? Les femmes seraient-elles moins compétentes dans certains domaines scientifiques ? On a peine à croire qu’il existe des inclinations « innées » féminines ou masculines. N’est-ce pas plutôt une autocensure de la part des femmes, plus exigeantes avec elles-mêmes ? Ou bien sont-elles victimes de sexisme et de stéréotypes ?

Une analyse a été faite par l’Inserm3 entre 2011-2013. Il n’y a pas de différence significative dans les indicateurs des femmes et des hommes au niveau du nombre total de publications. Au niveau DR, les femmes ont en moyenne un peu plus de 3 publications de plus que les hommes sur les 3 années considérées. Au niveau du nombre de publications au Top 10%, les femmes et les hommes CR comptent le même nombre moyen, soit 1 publication sur les 3 années. Les femmes DR comptent plus de publications au Top 10% que les hommes (en moyenne : 3,1 versus 2,4). Dans la limite de ces critères spécifiques, les chercheuses ne semblent donc pas démériter par rapport à leurs collègues masculins. Cela ne suggère-t-il pas que, malgré une performance similaire en termes de publications, les femmes chercheuses réussissent moins bien que les hommes et ont des progressions de carrière ralenties voire bloquées (plafond de verre) ? Les causes de ces inégalités sont probablement très complexes. Cependant, la question d’un biais potentiel au niveau des processus d’évaluation doit être soulevée et devrait être étudiée. Plus précisément, les stéréotypes véhiculés par la société affectent-ils nos capacités de jugement en faveur des hommes et aux dépens des femmes lorsqu’il s’agit de pourvoir des postes à responsabilité ?

Les confinements et restrictions dues à la pandémie COVID ont eu des conséquences inégales sur les femmes et les hommes scientifiques. Quand le travail à distance en mode dégradé s’est installé dans l’urgence, femmes et hommes se sont retrouvés à la maison : charges de travail, de vie quotidienne et de famille auraient dû être partagées. Or, pour bien travailler à la maison, il faut « une chambre à soi », comme l’avait si bien dit l’écrivaine féministe anglaise Virginia Woolf. Les femmes ont effectué l’essentiel du travail de care, prenant soin de la famille mais aussi de leur communauté scientifique, veillant au bien-être de leurs collègues et étudiants, essayant d’assurer la cohésion dans des circonstances déstabilisantes pour tous. Les études post-confinement montrent bien que cela a été au détriment de leur productivité scientifique, ce qui risque de ralentir leur carrière.

Jusqu’ici nous n’avons pas abordé les écarts de salaire. Malgré des grilles salariales communes de la fonction publique d’État, les rémunérations au sein de nos organismes ne sont pas égales entre les femmes et les hommes. Ce biais est essentiellement lié à un avancement de carrière ralenti, au régime indemnitaire (IFSE et CIA) ou, pour les chercheurs, à la PEDR que seulement 34 % des chercheuses touchent. Mais la différence salariale la plus frappante vise les CDI chercheurs où en moyenne un homme peut percevoir 4017€ et une femme 2815€. Cet écart est aussi vrai au niveau des CDI IT mais moindre : 3214 € pour un homme contre 2898 € pour une femme. Rappelons que l’égalité complète au niveau salarial entre les hommes et les femmes en France correspondrait à 6 milliards de plus dans les caisses de la sécurité sociale !

La loi de programmation de la recherche ne fera qu’accentuer la démotivation des femmes qui hésiteront à candidater aux nouvelles chaires de professeur junior qui seront mises en place, ou prendront du retard par rapport aux hommes pour des raisons objectives (maternité par exemple) ou subjectives (l’autocensure évoquée précédemment). Il en est de même pour des « CDI de mission scientifique » qui, contrairement à leur nom, sont à durée limitée et vont précariser davantage les carrières des femmes. L’actuelle direction du CNRS se dit sensible à l’égalité femmes/hommes et à la promotion des femmes, mais quand elle adhère à toutes les mesures de la LPR qui sont de fait défavorables aux femmes, on ne voit pas comment elle va faire pour passer des mots aux actes concrets.

Toutes ces phénomènes, s’ils persistent, ne contribueront qu’à accentuer les déséquilibres professionnels entre les hommes et les femmes. Le MESRI a présenté son plan « égalité professionnelle homme/femme » au CT-MESR, mais ce plan n’est assorti d’aucun moyens humains ou financiers, et n’a pas d’objectifs précis, notamment en matière de rattrapage salarial et de promotions.

Nous devons nous battre pour :
• Combattre le système patriarcal, fondé sur une domination des hommes sur les femmes, comme nous combattons toute forme de discrimination
• Abolir les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge
• Défendre l’accès des femmes aux postes à responsabilité dans tous les métiers et à tous les niveaux
• Revendiquer l’égalité salariale et professionnelle.
En cette journée mondiale des femmes de sciences, réaffirmons ensemble que les inégalités n’ont rien de « naturel », mais sont le produit d’une société et d’une éducation. Intelligence, talent, appétit pour la connaissance et créativité sont autant donnés aux femmes qu’aux hommes. Mobilisons-nous pour que la moitié de l’humanité trouve la place qui lui appartient de droit dans le monde scientifique et dans la société.

1 Déchiffrer le code : l’éducation des filles et des femmes aux sciences, technologie, ingénierie et mathématiques 2017
2 Bilan social et parité 2019 du CNRS
3 La lettre du conseil scientifique n° 14, 2016 Promouvoir l’égalité professionnelle entre femmes et hommes à l’Inserm

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En Bref N°552
du 10 février 2021

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REFUSONS cette injustice !

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