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LECONS 2019 AU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L’INSERM : évaluation unités

lundi 20 janvier 2020

LECONS A TIRER DE 2019 AU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L’INSERM (Vague E d’évaluation des unités et équipes)

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Lecons_2019_CS_Inserm_Evaluation_Unités

Alain GIRON et Frédérique FROUIN-MORLON Elus SNTRS CGT au Conseil Scientifique

L’Inserm est à la croisée des chemins. Les mutations de ces dix dernières années prennent actuellement leur pleine ampleur. Pris en tenaille entre financements extérieurs par appels d’offres et restructurations sous la houlette des universités et des instituts privés ou semi-privés (Pasteur, Curie, IGR, ICM …), nous ne sommes plus qu’une agence de moyens « sans moyens » ou plutôt une agence de mise à disposition de personnels de plus en plus précaires. Le défi qui se pose ainsi au PDG est son aptitude à élaborer une politique scientifique nationale sans avoir la maitrise d’une partie de son institution et à créer un sentiment d’appartenance dans un organisme qui ne se définit plus guère que comme une administration.

Encore la même litanie allez-vous dire. Certes … mais ce constat semble difficile à infirmer à une période où les réformes touchent tous les segments de nos activités.

En conséquence trois attitudes s’offrent à vous :

- Applaudir en expliquant que cette évolution est l’unique façon de s’adapter à notre monde moderne et que la science « en mode projet » qui en résulte est à la mesure des défis actuels et répond au principe d’amélioration des connaissances ;

- Constater que l’orientation actuelle ne répond ni à l’idéal de la recherche, ni aux enjeux de notre société mais, en tant qu’individu, pris dans l’étau du « s’adapter ou périr », opter pour une adaptation passive ;

- Affirmer qu’une telle évolution est délétère à moyen et long terme pour la science et favoriser des contre-pouvoirs efficaces fondés sur une analyse lucide de la situation.

Pour chacun de nous, il n’est que temps de réfléchir à l’influence des grands déséquilibres sur notre pratique scientifique.

Par exemple, l’importance des sources de financement hors dotation et en mode projet, via la multiplication des guichets et des fondations, constitue un puissant outil d’orientation de la recherche hors de notre contrôle. Cette fragmentation de la politique scientifique maintient ainsi une opacité sur les motivations des financeurs, écarte peu à peu les demandes de la société civile et réduit la liberté (déjà relative) de recherche. Il n’est pas étonnant que l’évaluation, dans un tel cadre et combinée avec la volonté de réduction budgétaire, se trouve vidée de sa substance au point qu’on veuille la réduire à son minimum.

Dans un article paru dans le figaro du 24 mai 2019 sous le titre « la chasse aux comités Théodule », « le premier ministre estime à plus de 1.200 le nombre de comités, commissions, conseils, organismes ou agences placés sous l’autorité de l’état sur lesquels on légitimement s’interroger. Dans son esprit, il vise tant les opérateurs de l’état (pôle emploi, universités, météo-France, Inserm, …) que les commissions ou instances délibératives placées auprès du gouvernement (Conseil national des universités …) ou encore les autorités administratives indépendantes. » Dans l’article, l’Inserm était donc explicitement cité.

On comprend mieux l’empressement de la direction pour une simplification de l’évaluation alors qu’en même temps la complexité administrative ne cesse de s’accroitre.

C’est dans cet esprit que, suite aux séances du Conseil Scientifique (CS) de juin et juillet 2019, la vague E d’évaluation des unités et équipes (universités de Lille, Paris Sud, Versailles-Saint-Quentin, Evry, Paris-Est-Créteil, La Réunion) a conduit le CS à donner, sur 168 équipes, un avis réservé à 22 équipes (13%) et un réexamen à 2 ans à 12 équipes (7%).

Ceci fait donc 20% des équipes évaluées comme présentant soit un manque de production scientifique, soit un manque de moyens extérieurs, soit une taille trop réduite. Plus rares ont été les équipes déclarées hors champ.

Dans ce paysage en perpétuel mouvement quels sont les moteurs du changement :

1- Une pression de restructuration locale pour mutualiser les personnels, favoriser les regroupements de locaux et, pour une part, rechercher une homogénéité thématique. Le nombre de centres est donc en train de s’accroître au point que certains ont émis l’idée de rattacher toute équipe à un centre. On note pourtant, à la lecture de nombreux dossiers et à l’application que met le Département de l’Evaluation Scientifique (DES) à analyser les liens inter-équipes, que l’effet « machine à café » ne fonctionne visiblement pas à plein rendement. Il est bon, à ce titre, de rappeler que nombre de coopérations scientifiques fécondes se basent sur des affinités personnelles souvent inter-universitaires et non de proximité géographique. Or le système actuel de mise en concurrence des universités rend de plus en plus difficiles ce type de coopération.

2- Des politiques scientifiques très invasives de la part des institutions autres que l’Inserm qui nous entourent et qui ont une influence déterminante en amont sur la structuration :

• Les universités, depuis la loi d’autonomie, ont pris une influence croissante en particulier face aux EPST. Elles sont donc très actives dans les restructurations très en amont du processus d’évaluation des équipes et des unités. L’allègement des dernières étapes de l’évaluation (CSS et CS qui se réunissent après l’HCERES) est donc à risque de déséquilibrer encore plus le processus en leur faveur. Aussi assistons-nous à une chorégraphie bizarre où l’ensemble des intervenants Inserm (PDG, CSS et CS) cherchent à s’inviter le plus en amont possible du processus universitaire (1 an avant le dépôt de dossier) quand tout n’est pas encore joué ;

L’HCERES, agence indépendante, bien ancrée dans le paysage universitaire et vitrine internationale de l’évaluation, dont la mission est d’organiser une évaluation qualitative (dans ses conclusions) des structures, est critiquée par la direction de l’Inserm pour « manque de discrimination ». Elle y voit une façon de reprendre la main. Mais les EPST ont-ils la capacité d’influencer le cahier des charges d’une agence indépendante ?

• Les Instituts (Curie, IGR, Pasteur) et fondations (Bettencourt) ont leur propre circuit d’évaluation et certains s’exonèrent, entre autres, des règles de l’HCERES ;

• Les autres EPST (CNRS, l’INRA ou l’INRIA) peuvent avoir une politique déséquilibrée en leur faveur dans les partenariats avec l’Inserm ;

• Les régions (par exemple La Réunion) ont tendance à utiliser la politique scientifique comme outil d’aménagement du territoire ;

• Les directeurs d’ITMO, électrons libres depuis des années, ont refusé cette année d’être interrogés par le Conseil Scientifique et forment un Etat dans l’Etat.

3- Des critères d’évaluation se focalisant principalement 1) sur le nombre de citations dans les revues reconnues d’un domaine plutôt que sur le facteur d’impact des revues (Il n’en demeure pas moins que les revues prestigieuses sont des sésames absolus), 2) sur la capacité à trouver des financements et 3) sur le nombre de brevets avec licences.

4- Une personnalisation du monde de la recherche avec des directeurs de centres aux responsabilités accrues et confrontés à de multiples mutations dont ils n’ont souvent pas les clefs, des chefs d’équipe en concurrence interne pour l’accès aux moyens financiers et humains et des personnels ITA ayant le sentiment d’être réduit à des sous-traitants extérieurs.

En ce qui concerne l’évaluation des structures à l’Inserm, il est enfin bon de rappeler quelques conceptions qui structurent les réflexions actuelles du monde de la recherche :

• Les chercheurs souhaitent que les procédures d’évaluation soient allégées, tout en étant « exigeantes ». Certains considèrent que l’obtention permanente de crédits externes est déjà une évaluation. Ils défendent un contrôle « a posteriori » focalisé sur le bilan, l’aspect projet étant tacitement être intégré dans la confiance accordée à l’équipe pour son renouvellement. L’évaluation est alors considérée comme un processus d’accompagnement des équipes en perte de vitesse. La question est donc de savoir ce qu’est une équipe en perte de vitesse ?

• Les personnels techniques et administratifs, peu associés aux décisions des unités, considèrent les périodes d’évaluation comme une occasion importante pour mettre à̀ plat des problèmes qui les concernent et y voient au minimum un accès à l’information. La visite des élus C est vécue comme un moment d’écoute (certes souvent sous surveillance) où des messages peuvent être transmis et dont la disparition serait vue d’un mauvais œil.

• Les Responsables des Ressources Humaines de l’Inserm (mais aussi de certaines universités) demandent à être présent dans le processus d’évaluation des structures afin de mieux maitriser un environnement qui leur échappe. Cette présence dans l’évaluation est-elle à même d’améliorer le sort des personnels (ITA et aussi depuis peu chercheurs) alors même qu’il existe déjà des instances locales (CSHSCT où les RRH sont très présents), instances qui peinent à faire entendre la voix des personnels car les Délégués locaux de l’administration sont très dévoués aux directions des unités et à l’administration centrale ?

• Les décisionnaires politiques désirent transmettre « les aspirations de l’opinion publique ». Or il n’a échappé à personne que science est sous le feu de tendances défavorables (perte de confiance suite à des affaires médiatisées, crainte de la non maitrise du progrès, amalgame entre les enjeux de la technique et de la connaissance, ...). Dans un tel contexte les décideurs politiques vont-ils alléger l’évaluation, alors que se met en place dans l’ensemble de la société (administration comprise) des indicateurs de performance en temps réel (« rating »).


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